depuis trois jours je nuite seul dans une maison pourquoi si grande et pourquoi tant de miroirs acharnés à me rappeler mon corps périssable, sous tous les angles me le rappellent, les yeux lourds de ne pas baisser la garde : une heure, deux heures, trois heures – du matin dit-on mais c’est le pire de la nuit – et je marche et j’insomnise vers le petit jour et sa lumière qui enfin endormira mon corps défectueux, fenêtres ouvertes, portes ouvertes, serein d’avoir une fois de plus traversé le long couloir mal éclairé : demain, la nuit reviendra.
de plus belle et plus noire elle s’impose, les trois aiguilles sur minuit elle coupe les vies en deux comme des fruits trop mûrs : tranchante, ponctuelle, et tous les soirs c’est la même lutte : ne pas saigner trop noir, ne pas tacher de nuit les draps, attendre au petit matin la perfusion de jour qui recoud les plaies.
d’ici-là : danser d’obscurité, envoyer valser la lune qui cherchait son chemin et j’inventerai un temps accéléré où la nuit ne sera que grise, pas le temps de noircir, blanche même parfois – de musique et impatiente : une victoire à tâtons pour mon corps meurtri.
ce soir, la nuit n’aura pas ma peau : je marcherai pieds nus sur le fil de sa lame et je n’aurai pas peur ; après avoir éteint toutes les lumières, je n’y verrai que du feu : mon corps ardent dans le noir, au bord du précipice tant désiré – enfin je fermerai les yeux.