le mardi vingt-cinq vers huit heures du matin pour une raison qui m’échappe j’ai réalisé que nous sommes identiques au fuchsia du jardin qui perd feuille sur feuille sur
feuille et tandis que j’en prenais conscience tu te faisais l’amour sur moi et je me demandais comment tu pouvais être si peu troublée par toutes ces branches nues ces feuilles au sol et
soudain j’ai eu si peur de voir des bouts de mon corps tomber à leur tour que j’ai regardé si rien ne manquait et quand je me suis assuré que tout allait bien ton souffle s’est fait plus lourd et
j’ai compris que ça n’allait que parce que tu n’avais pas encore joui mais qu’une fois que tu jouirais mon corps se briserait joncherait le sol comme les restes d’un vieux fuchsia et
j’étais si sûr qu’on allait mourir que je ne savais plus si tout ça était réel alors pendant que tu te touchais sur moi j’ai frotté mon poignet contre le cadre du lit pour que ça
saigne et rien n’est venu à part le bruit d’une valise traînée au loin sur les pavés les gouttes d’eau sur le toit ces bruits qui étaient le métronome d’un monde sur le point de s’écrouler et
tu as joui.
quand j’ai rouvert les yeux j’étais toujours allongé sur le lit et il n’y avait pas une seule feuille par terre rien qu’une petite goutte de sang le son de plus en plus faible de la valise au loin et ton souffle encore court et
soudain il était possible que le fuchsia tienne cet hiver encore.