les bonnes nouvelles
tout ce que je sais fait mal et heureuse elle frappait
des pinces la maman homard d’un dessin animé quand je suis passée
devant l’aire de jeux j’ai senti en moi un groupe de
mendiants heureux qui montent en file indienne à la vue de la piscine à balles colorées je me
souviens c’était l’anniversaire de quelqu’un les petites chaussettes leur odeur douce-amère
le toast des têtes qui se cognent et soudain
le garçon qui s’est uriné dessus quand s’est soulevée ma robe
je regarde les boucles parfaites des petites filles des tubes de drainage qui un jour
chatouilleront les côtes des hommes et elles ce sont mes seins qu’elles regardent avec le regard stéréo d’un serpent corail je voudrais les caresser leur parler des temps difficiles où
il faudra qu’on renonce à la glace préférée aux caprices
des glandes lacrymales
pour l’instant tout va bien en ce moment-même quelqu’un invente une main
cybernétique capable de masturber 2,8% de la population d’une ville de taille moyenne
quelqu’un d’autre a mis au point des dents hybrides en combinant des cellules de la gencive humaine avec des cellules souches des dents d’une souris et ça
ça nous épargnera les prothèses
dans les moments d’épreuves le plus indiqué est de te
masser les mains jusqu’à ce que tu ne les sentes plus les petits grains de grenade
du dos font d’abord une croûte puis tombent
et c’est à peu près tout pour ce qui est des bonnes nouvelles
les vies des autres
je lis des choses à propos des vies des autres sur Wikipédia,
à propos de Sven Marquardt, le videur du Berghain qui ne laisse pas les gens
rentrer dans la boîte s’il n’aime pas leur tête, à propos de Sainte Anastasie
la martyre qui guérissait par le poison et à propos du chat
héritier de Karl Lagerfeld. Si quelqu’un essayait de
raconter ma vie sur Wikipédia il ne rencontrerait aucune difficulté.
À même pas 24 ans, elle a quelque chose de la rythmicité et de la limpidité d’une perfusion.
Les petites et les grandes joies, les nuances émotionnelles, les choses qui font se briser
mon cœur restent alignées et brillent de tentation, comme de petits morceaux
multicolores de sushis dans une boîte envahie de fourmis. J’ai aimé
un seul homme, qui aujourd’hui se tourne vers moi quand il ne trouve pas
ses mots, et ça me rend heureuse. Quand il n’est pas là, je suis prise
d’une tristesse étouffée, comme quand tu t’es efforcée pendant trois mois à mettre
le plastique avec le plastique, le verre avec le verre, le papier avec le papier et voilà le camion-poubelle
qui verse tout ensemble. Mon enfant, aujourd’hui grand comme un grain de haricot,
rencontre les autres grains de haricots de la salade mangée à midi.
Elles contiennent des fibres, du magnésium et des neurotransmetteurs essentiels pour la mémoire,
des terminologies exactes, qui apportent la tranquillité.
Je suis encore jeune, fertile, patiente, une touffe
de corydale dont les fleurs résisteront longtemps,
si les chiens de la ville ne viennent pas trop vite y faire leurs besoins.
Dehors l’automne commence, un automne univoque et prévisible comme un
critique littéraire de Cluj, je suis prête à tout et ça ne me fait
pas grand-chose que ma gueule ne m’aide pas à
rentrer dans le club berlinois le plus hardcore.
on peut vivre comme ça aussi
j’ai surmonté cet hiver aussi et la sonorité
vide des chambres desquelles tu as voulu que je parte et
je suis partie au-dessus du sommeil déphasé et maintenant qu’
ils ont remis le chauffage et on peut enfin dormir à nouveau
sans vêtements chacun s’occupe de ses affaires on prend des taxis
différents et on se met des vus sur facebook les nuits
tropicales de notre amour semblent être des métastases
digitales de mon esprit un souvenir archivé dans le
sensoriel les histoires d’âmes sœurs sexes
sœurs ne disent plus rien même à une romantique comme moi
je souhaite des choses simples une digestion facile un peu
de tendresse un verre de lait froid quand je me réveille
mais les jours passent et je commence à m’habituer on peut vivre comme ça aussi
on peut s’endormir près de l’ordinateur allumé et la nuit s’y
coller pour sentir un peu de chaleur
notre dernière rencontre a eu quelque chose de la discipline et de
la correction des pays nordiques rien d’érotique rien d’héroïque rien
que le calme des bateaux fatigués quand ils s’éloignent du port
les petites voitures qui bouillonnent dans les fêtes foraines avec la frénésie de nos cœurs
après l’alcool auraient pu devenir la soundtrack d’un court-métrage sur les retrouvailles
ça ne s’est pas passé comme ça pas même la routine verbale des couples distance
entre les chaises l’intimité asymptotique du bar
je me suis penchée sur la table jusqu’à tes mains
tu les as tirées en arrière dans des moments de ce genre
si une drosophila melanogaster s’asseyait sur moi je m’effondrerais
tu es allé fumer j’ai multiplié et agrandi dans ma tête l’image jusqu’à
ce que j’obtienne celle souhaitée nous sur le canapé la série la couverture était tombée et
pendant les quelques secondes où j’ai vu tes pieds j’ai eu une
émotion telle que doivent en avoir peut-être les grands maîtres italiens
quand après 24 mois d’affinage ils assistent à l’ouverture d’une
roue géante de parmesan le plus triste c’est que ça me plaît trop ta façon
de bouger au-dessus de moi avec ton hard et tout ton soft avec tes patterns
toxiques où tu te complais même maintenant que
tu n’as plus besoin de moi et que l’indifférence me
neutralise et que les matins n’ont plus la beauté harmonisée des
légumes du supermarché même maintenant qu’entre nous
rien que l’illusion de la communication survolant la steppe virtuelle l’économie
d’1,5 litres de salive produite sans cesse et involontairement et avec laquelle en
ton absence je ne sais pas quoi faire et le plus triste est que les jours
passent et qu’on peut vivre comme ça aussi
Obsessive Confessive Disorder
J’ai vécu les choses les plus glorieuses en 2019.
Je me suis mariée. Je me suis diplômée. J’ai fait un enfant.
J’ai traduit, j’ai écrit un mémoire, j’ai appris quelques
choses essentielles sur la peur, j’ai beaucoup ri et j’ai fait ce que
font les hommes quand ils se préparent à entrer dans le temps, à propager
leurs informations génétiques dans l’avenir.
Ce qui ne m’a pas tuée ne m’a pas rendue plus forte.
Ce qui ne m’a pas tué, j’attends à peine qu’il le fasse.
J’ai choisi avec soin ceux avec qui je faisais mes intertextes, j’ai regardé
au microscope comment une petite dépression essaye de se faire
une place à côté d’une grande.
Mais vient la nuit et dans la réserve 12 le sommeil se fait attendre
plutôt comme le résultat d’un test de grossesse.
Maintenant que le calme s’est levé et que les grillons ont commencé
leur chant d’accouplement, c’est le moment maximal de la solitude.
Délaissé par ses alliés, les calmants, le corps fait face
aux torpilles de la douleur avec l’endurance d’un taureau de Pampelune.
Je tourne le regard vers la fenêtre de l’hôpital et pour me distraire l’attention
je construis par l’imagination le paysage de dehors. Je compose dans
ma tête les premiers chiffres du numéro de sécu de mon fils. J’inventorie les instruments
grâce auxquels l’industrie à calmer les enfants est venue en aide aux parents.
Des petits lits avec des petits nuages en matériaux biodégradables et non-synthétiques.
Des fauteuils à bascule et des balançoires à batterie. Des mobiles à fonctions multiples, axe rotatif et
chansons dans trois langues étrangères pour faire de nos descendants de petits
polyglottes prêts à émigrer à tout moment. Des chaises avec la vibration des marées, des petits ours au
cœur qui bat, des oreilles à l’odeur de maman et des cd avec 24 heures de bruit blanc.
Je ferme les yeux et je lis comme pour un examen ophtalmologique les mots
qu’un magazine du capitalisme gribouille sur l’ardoise de mon esprit
KENT DUNHILL MDMA LSD M&M
RIVOTRIL ANXIAR TRAMADOL STILNOX
TWIX DUREX STRONGBOW ABSINTH
J’ai tout appris sur l’industrie à calmer les adultes.